C'est juste un vélo !
De combien d'humains avez vous besoin pour vos trajets quotidiens ?
Il y a une 10aine d'années je me suis demandé quel niveau d'assistance était nécessaire pour nos tâches journalières.
Et puis j'ai vu la vidéo de Robert Förstemann (voir ci-dessous).
Dans cette vidéo, Robert essaie de faire griller une tranche de pain à la force de ses cuisses, mais il y arrive à peine.
D'après cette vidéo, nous avons besoin de 180 Roberts pour propulser une petite voiture. Puisque je pense avoir environ 1/5 de la puissance de Robert, ce n'est pas idiot de considérer que ma voiture (de taille citadine, environ 1000 kg) a, énergétiquement parlant, besoin de près de 1000 "moi" pour me pousser sur la route.
...Cela fait beaucoup de personnes juste pour faire avancer une voiture !
L'évolution de la puissance de la voiture au fil du temps
L'effet rebond
En un peu moins d'un siècle environ, l'efficacité énergétique des moteurs de voitures a été considérablement améliorée et pourtant la consommation aux 100kms n'a pas diminué : la raison c'est qu'on a multiplié par 4-6 le poids des voitures.
Les voitures devenant de plus en plus lourdes, rappelons ici une vieille formule de physique qui stipule que l'énergie cinétique est proportionnelle à la masse déplacée. Avec tout ce que cela implique (consommation, énergie libérée lors du freinage, etc...)
Les voitures sont également devenues plus hautes en moyenne, et donc cela entraîne un effet indirect sur la perception de la vitesse :
Ci-contre le résultat d'une étude* stipulant que la perception de la vitesse est altérée suivant la hauteur à laquelle on se trouve.
Voilà pourquoi certaines personnes éprouvent une grande sensation de vitesse en faisant du karting à 40km/h.
L'effet est donc inverse pour les personnes qui sont un peu plus hautes sur la route : l'impression que l'on se traîne.
* "Vehicle Height Affects Drivers Speed Perception" (Christina M. Rudin-Brown)
Le concept de l'esclave énergétique
Il a souvent été remarqué que la fin de l'esclavage a coïncidé avec la révolution du charbon et du pétrole, mais il est encore plus perturbant de constater que le mouvement abolitionniste n'a véritablement pris son essor que lorsque les progrès techniques ont rendu l'abolition économiquement indispensable. . (Andrew Nikiforuk l'explique très bien dans son livre "L’ÉNERGIE DES ESCLAVES, Le pétrole et la nouvelle servitude").
Je viens de vous indiquer la quantité de puissance humaine dont vous avez besoin pour déplacer une voiture. Mais vous pouvez désormais appliquer cela à toutes vos tâches quotidiennes.
Depuis l’essor de l’industrie pétrolière, nous disposons dans notre routine quotidienne de centaines d’esclaves énergiques. Nous sommes en quelque sorte tous devenus des pharaons avec des esclaves invisibles.
Pensez à la quantité d'énergie humaine que vous avez avec l'essence : avec 1 litre, soit environ 10 kWh d'énergie, vous avez 10 jours à 1 mois de "puissance humaine" (1 personne). Assez bon marché pour moins de 2 euros...
L'énergie est pour nous comme une drogue, elle fait partie de notre quotidien et nous nous y habituons. Et comme toutes les drogues, là où il y a une dépendance, il y a des symptômes de sevrage.
Avec l'énergie, nous n'avons plus froid en hiver, et ne sommes plus gênés par les vagues de chaleur. Nous pouvons acheter de la nourriture bon marché provenant de milliers de kilomètres. Nous pouvons porter de belles tenues et en changer souvent. Nous pouvons voyager à travers le monde en un rien de temps. Nous pouvons soulever des objets lourds, etc... En fait, nous sommes tous devenus des surhumains.
En moyenne, chaque européen dispose d'environ 150 esclaves énergétique, directs ou indirects (transport, nourriture, habits, chauffage, etc...).
Ces esclaves énergétiques nous ont également permis d'avoir indirectement des vacances et sont responsables du boom des emplois tertiaires (la main d'œuvre agricole ayant été remplacée par des machines).
Alors c'est quoi "ça" ?
"ça" c'est un « Vélomobile », un vélo couché dont la carrosserie a la forme d'une goutte d'eau pour minimiser la résistance de l'air. C'est utile pour se déplacer sans faire de gros efforts (d'accord, dans les montées il faut prendre son temps).
Il permet donc de faire de plus longs trajets tout en étant confortablement couché.
Il offre suffisamment d'espace pour ranger votre sac d'épicerie, vos bouteilles d'eau et vos boîtes à lunch.
Un peu d'histoire
Le vélomobile a été inventé en 1924 par le français Charles Mochet. Il inventa un quadricycle à pédales caréné, son modèle pesait entre 35 et 40 kgs. Il nomma son invention le "Vélocar", il atteignit avec elle des vitesses plus élevées que les vélos classiques. Ce gain n'était perceptible qu'à partir de 15 kms/h environ.
Il établit son entreprise à Puteaux et vendra environ 6000 Vélocars entre 1928 et 1944.
Le Français Francis Faure participera dès 1933 à des compétitions cyclistes, il battra cette même année 7 records internationaux.
En 1934 l'UCI (l'Union des Cyclistes Internationale) vota de nouvelles normes pour réglementer l'accès des vélos aux compétitions officielles. Ainsi le boitier de pédalier devait se trouver entre 24 et 30 cms au-dessus du sol, l'avant de la selle ne pouvait être qu'à 12 cms derrière le pédalier et la distance entre le boîtier de pédalier et l'axe de la roue avant devait être comprise entre 58 et 75 cms.
Ceci aura pour conséquence d'interdire purement et simplement l'accès des vélomobiles à toutes les compétitions officielles. Et donc ce choix rendra le vélomobile marginal aux yeux du grand public.
Francis Faure dans son vélocar (https://fr.wikipedia.org/wiki/Francis_Faure)
Et le vélo dans tout ça ?
Le vélo n'a pas connu de bouleversements aussi marquants que les évolutions de la voiture. L'interdiction de compétition du vélomobile par l'UCI dans les années 1930 n'aura pas permis de faire connaître les bénéfices d'une forme vraiment aérodynamique le vélo.
Ainsi on se retrouve en 2020 au mieux avec des vélos en carbone très légers avec un cadre aux formes allongées pour donner un peu moins de prise au vent, mais l'exemple récent le plus parlant est le nouveau casque aérodynamique de l'équipe cycliste "Visma" :
Avec ce nouveau casque le cycliste a une meilleure pénétration dans l'air mais bon... ils oublient le "détail" que représente le reste du corps du cycliste, qui est très loin d'être aérodynamique.
Un look très particulier...
(www.pezcyclingnews.com)
Comment les gens voient les cyclistes de chez Visma
(www.globalcyclingnetwork.com)
et...
Comment je les voient
Pourquoi je roule en vélomobile ?
Parce que c'est addictif.
Parce que c'est addictif de penser que l'on peut se déplacer sans perdre trop de temps par rapport à la voiture dans son usage quotidien mais aussi :
Vous avez fait votre séance de sport
Vous n'avez pas besoin d'aller à la station service pour faire le plein
Vous n'avez pas besoin de brancher votre voiture pendant des heures pour la recharger
Il demande à peu de choses près le même entretien qu'un vélo ordinaire.
Vous n'avez pas besoin de trainer avec vous 1 tonne de matériel pour vous déplacer sur la route.
Vous pouvez profiter de rouler en toute saison, quelles que soient la météo et la température.
Parce que cela fait sourire presque tout le monde (...ou donne un air renfrogné chez quelques-uns 😉)
L’éclairage est plus complet que sur un vélo normal et vous êtes très visibles de nuit
La position est vraiment confortable sur de longues distances (~280 km en 10h sans courbatures à l’arrivée).
Il est possible de stocker ses courses de la semaine dans son coffre
Personnellement, comme je l'ai déjà évoqué, je ne perds pas beaucoup de temps pour mes trajets quotidiens par rapport à une voiture, un trajet mixte (urbain/péri-urbain) de 40kms me prend environ 1h en vélomobile quand il me prendrait environ 45mins en voiture. Mais j'ai gagné une heure de sport dans l'histoire, donc...
Un vélo tout temps et toute température
Je dois souvent sourire quand on me dit par grand soleil que c'est un super temps pour rouler en vélomobile. En fait, ce n'est pas comme pour le vélo, il n'y a pas de mauvais temps pour rouler en vélomobile. Je roule sans problème sous la pluie et quand il fait froid. Il m'est arrivé de rouler sur des routes verglacées également avec des pneus cloutés, l'avantage c'était qu'il n'y avait pas de voitures sur la route.
L'autre avantage est que je n'ai pas besoin de m'habiller en fonction du temps, je roule toute l'année en short et en t-shirt
J'ai du respect pour les personnes qui vont par tout temps et toute saison au travail avec un vélo musculaire, il faut lutter contre la météo et le vent de face, vent que l'on ne ressent plus vraiment en vélomobile (d'où le surnom de "lazy bike").
Le vent est même devenu un avantage dans certains cas, étant donné que la forme du carénage est celle d'une goutte d'eau. Un vent latéral régulier aura une influence positive en donnant une poussée supplémentaire. Comme sur un bateau à voile, le carénage fait office de voilure et les trois roues jouent le rôle de quille. Autre désavantage, le vent arrière devient quasiment inutile.
Ce qui est problématique, ce sont les soudaines rafales de vent qui peuvent faire dévier un peu ce véhicule léger.
Un vent régulier de côté devient un allié
🤐
Quelques remarques et questions habituelles
Je suis quelqu'un de discret, ce qui ne m'empêche pas d'être très régulièrement arrêté sur ma route car les passants sont souvent curieux.
Comme souvent quand les gens ne connaissent pas quelque chose, ils sont plutôt méfiants, donc il n'est pas rare, de récolter des critiques ou des railleries, mais quand j'entends des remarques positives de personnes qui comprennent ce que c'est, tout le reste est oublié :)
Pour vous éviter de longues cogitations, voici le top 5 des questions que l'on me pose aux feux rouges :
Combien ça coûte ? :
C'est de loin, très souvent, la première question que l'on me pose, je ne vais pas vous donner de prix ici (et de toute façon, cela varie grandement suivant les modèles), par contre je vais vous dire combien cela ne vous coûte pas, en prenant en compte le fait de remplacer sa voiture, et de son usage au quotidien, par un vélomobile.
(Je suis conscient que cela ne remplace pas une voiture pour tous les usages, mais l'usage principal de votre voiture n'est-il pas de vous emmener à votre travail vous, votre petit casse-croûte, et les sacs de course que l'on emmène en rentrant du travail ?)
Le kilométrage moyen d'une personne pour se rendre à son travail est d'environ 15kms par jour, il y a en moyenne 218 jours travaillés par an. Soit 3270 kms par an.
Pour une voiture thermique:
le coût d'1 L d'essence/diesel est d'environ 2 euros, la consommation moyenne est d'environ 5 L/100kms (soit 500wh/km en convertissant), donc 327 euros d'essence pour le trajet domicile-travail à l'année pour un trajet quotidien de 15 km.
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Pour une voiture électrique :
La consommation d'une voiture électrique de type citadine est d'environ 150wh/km, donc 2250 wh/jour soit 490 500 wh/an, le prix du kilowatts est d'environ 0,25 euros donc environ 122 euros de consommation électrique par an pour son trajet domicile-travail.
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Ajoutons le prix de l'assurance de la voiture à l'année : en moyenne 600 euros
Le coût de l'entretien d'une voiture thermique à l'année varie entre 800 et 1700 euros suivant les pièces à changer.
Le coût de l'entretien d'une voiture électrique est d'environ 800 euros/an.
Pour garer sa voiture, nous n'avons pas toujours des places de parking gratuit donc comptons également le coût de la place de parking en moyenne 600 euros par an.
Etant donné que notre corps reste très passif lorsque l'on se fait déplacer par la voiture, cette merveilleuse machine, il est de bon ton d'avoir une petite activité sportive en plus pour "dérouiller" notre corps de temps en temps, un abonnement à une salle de sport basique coûte environ 480 euros par an.
Donc juste pour le trajet domicile-travail : 3282 euros/an pour une voiture essence et 1922 euros/an pour une voiture électrique.
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Comparons cela à un vélomobile : L'assurance est celle d'un vélo normal.
Pour un vélomobile 100% musculaire le coût électrique se limite à l'éclairage soit environ 0,20 euros/an
Dans le cas d'un vélomobile assisté, la consommation moyenne est aux alentours de 4wh/km pour quelqu'un qui pédale un peu (Il est de 1wh/km pour les sportifs en herbe).
Donc 13 080 wh de consommation annuelle soit 3,27 euros de consommation électrique annuelle.
En entretien le vélomobile a un coût relativement faible, on peut le comparer à celui d'un vélo, il est de l'ordre de 100 euros/an
soit 103,47 euros/an.
Donc en comparant juste les véhicules pour le trajet domicile-travail, le vélomobile vous fait économiser environ 3178 euros à l'année, en le comparant à une voiture à essence; et 2498 euros, en le comparant à une voiture électrique.
Bien sûr nous pouvons comparer ça à un autre véhicule encore plus économe en énergie, le vélo musculaire (Pas le vélo électrique car la consommation d'un VAE normal est de l'ordre du double/triple de celui d'un vélomobile).
Petit bonus par rapport à la voiture électrique : étant donné que l'essence est une énergie largement indépendante à nos différents conforts de vie du quotidien, ce n'est pas le cas pour l'électricité, donc il serait intéressant de voir les conséquences qu'aurait le fait de remplacer toutes les voitures thermiques par des voitures électriques sur la consommation d'électricité nationale.
Il y a environ 39 millions de véhicules en circulation au niveau national, pour une moyenne de 15000 km/an à 150wh/km cela nous donne 8,77x10^13 wh de besoin énergétique.)
-"Est ce qu'il y a un moteur ?" : Comme pour les vélos, il existe des vélomobiles assistés (limité à 25 km/h) et d'autres qui sont uniquement musculaires.
-"C'est un Twike !" : Non, un vélomobile est l'inverse du Twike dans le principe, le Twike est un véhicule qui se base essentiellement sur sa propulsion électrique et qui peut être assisté musculairement tandis que le vélomobile est un véhicule qui se base essentiellement sur sa propulsion musculaire et qui peut-être assisté électriquement.
-"Vous êtes dangereux" : Le vélomobile n'est pas vraiment dangereux en soit, c'est un véhicule léger (~20-40 kg) avec deux freins tambours 90mm, plus un frein moteur arrière dans certains cas. Donc l'énergie dont on a besoin pour arrêter un vélomobile qui roule à 40 kms/h est très faible, l'arrêt se fait quasiment instantanément. La coque d'un vélomobile est souvent en fibre de verre ou fibre de carbone, une matière qui est plutôt souple et légère.
L'énergie cinétique libérée lors du freinage d'une petite voiture citadine d'1 tonne n'est pas comparable avec celle d'un véhicule de 30 kgs.
-"On ne vous voit pas" : En général les vélomobilistes s'arrangent pour mettre un drapeau sur le toit pour être un peu plus visible. A titre personnel j'ai opté pour une lumière surélevée avant/arrière qui serait à la hauteur d'un guidon de vélo, je trouve qu'une lumière attire plus l'attention d'un.e automobiliste qui serait distrait par son téléphone en roulant. Et un fanion quand on roule souvent de nuit est généralement inutile.
La deuxième problématique concerne la taille des voitures qui deviennent de plus en plus haute et large, et il est vrai que si la tendance continue ainsi, cela va devenir problématique pour rouler en ville.
-"Moi je ne pourrais pas" : J'entends souvent ce genre de remarque; cela peut sous entendre différentes choses, "je ne sais pas comment tu fais", "tu es un peu zinzin", etc...
Je ne sais pas vraiment quoi répondre à ce genre de remarque donc souvent je ne réponds rien; je fais c'est tout, j'ajoute juste qu'en roulant avec ce véhicule je ne force personne à faire comme moi.
-"J'aimerais bien mais ce n'est pas compatible avec mon quotidien" : Eh oui comme très souvent, arrive l'argument qu'amener ou que chercher les enfants à l'école avec un vélomobile ce n'est pas très pratique. Et la période actuelle est propice à avoir 2 voitures par famille.
Mais si vous êtes très curieux, vous pourrez voir qu'il existe des vélomobiles à plusieurs places !
-"Tu devrais mettre un drapeau" : C'est l'autre variante à "on ne vous voit pas". Comme je l'ai déjà dit j'ai un support vertical avec une double lampe qui se trouve à une hauteur de guidon d'un vélo normal, depuis que j'ai mis ceci, je me trouve beaucoup plus sécurisé car la lumière à large spectre permet aux voitures de me remarquer dans leur rétro. Un drapeau n'a pas cet effet.
Généralement ce sont des personnes qui ne connaissent pas bien le domaine qui font ce genre de remarques.
Si vous avez d'autres questions (ou commentaires) vous pouvez me les poser dans l'espace ci-dessous :
Commentaires
Où peut on en acheter un ?
Les vendeurs de vélomobiles ne se retrouvent pas à tous les coins de rue.
Si vous êtes curieux du vélomobile que vous venez de voir :
Le vélomobile blanc est le Waw et est fabriqué chez Katanga, c'est un vélomobile qui est connu pour son accessibilité et qui peut facilement s'équiper d'une assistance pour les zones vallonnées.
Le vélomobile bleu est le Bülk est fabriqué chez Velomobileworld, c'est le modèle que j'utilise pour mes déplacements quotidien. C'est un modèle plutôt sportif.
Voici la liste des distributeurs en France : https://www.velomobileworld.com/fr/distributeurs/
Soutiens
Si vous avez apprécié les informations que je vous ai données et si vous souhaitez me soutenir à la hauteur d'un café.
Eh bien voici ma page Patreon :
Le vélomobile est également une belle opportunité pour faire de la publicité : il a une très haute visibilité puisque c'est un véhicule qui est très souvent remarqué et photographié. Les vélomobilistes de la région ne sont en général pas contre le fait de se faire sponsoriser par une entreprise.
Si vous souhaitez plus d'informations à ce propos, merci de laisser un mot dans l'espace commentaire avec votre adresse e-mail pour qu'on puisse vous répondre.